LES GROUPES WHATSAPP DE PARENTS D’UNE MÊME CLASSE : UNE FAUSSE BONNE IDÉE ?

Les groupes WhatsApp[1] ou autre application de messagerie instantanée réunissant des parents d’élèves fleurissent de plus en plus dans nos écoles. Ce sont des parents d'une même classe d'enfants, principalement de maternelle ou primaire, qui sont conviés à̀ rejoindre ce genre de groupes. Le côté pratique et instantané́ de ce canal de communication, la possibilité́ de créer facilement du lien, de s'entraider et de s'intégrer dans la classe de son enfant motivent souvent la décision de s’y inscrire. Quels sont les avantages de ce mode de communication immédiat et bien connu de la grande majorité́ des parents ? Dans quelles conditions y avoir recours et à quoi veiller en tant qu'enseignant et en tant que parent ? 

Les familles vivent souvent à̀ des rythmes effrénés en jonglant entre l'école, le travail, les déplacements, les activités parascolaires, les devoirs et les leçons, les repas... Avoir l'occasion de poser une question et recevoir rapidement la réponse est un avantage non négligeable pour l'organisation des familles. 

 

Les plus de ces groupes 

Le groupe WhatsApp de classe est un moyen de communication facile pour l'enseignant.e afin d'entrer en lien avec tous les parents de sa classe et les tenir au courant de ce qui se passe à l'école. Un seul message et tous les parents sont touchés, sans risque de perte de l'information, comme cela pourrait être le cas avec un papier glissé dans le journal de classe. 

Les parents peuvent aussi mieux comprendre le fonctionnement ou les attendus de l'école, dépasser ainsi leurs peurs et trouver certaines réponses à leurs questions. L'application est aussi très pratique pour laisser des messages audio à destination des parents qui ne lisent pas le français ou pour informer et rassurer les parents de l'école maternelle via des photos ou des petits films. 

Nous avons aussi relevé́ combien ces messageries instantanées se révèlent utiles pour le parent délègué de classe ; celui-ci informe rapidement et instantanément TOUS les parents d'un projet de classe ou d'école. C'est un bon moyen de mobiliser les bonnes volontés afin de soutenir l'enseignant qui recherche des bras pour accompagner à la piscine, lors d'une sortie de classe... 

Si l'école ou l'association de parents organise une activité́, c'est aussi un bel outil pour en faire la promotion et rameuter les troupes.

 

Un frein à l'autonomie des enfants ? 

S'inscrire dans le groupe WhatsApp de classe va permettre de compenser d'éventuels oublis, incompréhensions de son enfant par rapport aux attentes de l'école. Mais, est-ce bien à̀ nous d'essayer de compenser ainsi les inattentions de notre enfant ? Ne serait-ce pas plutôt à̀ lui à chercher l'information en contactant un copain ou une copine ou en osant questionner son enseignant.e le lendemain ? La réponse dépendra, bien entendu, de l'âge de l'enfant et du contexte (éventuel handicap ou trouble d'apprentissage, difficultés personnelles, scolaires...). En lui laissant ainsi la responsabilité́, le parent donne l'occasion à son enfant de prendre son autonomie. Se poser la question sur ce qu'entraine cette adhésion à un groupe WhatsApp de parents de la classe, c'est aussi clarifier ses propres exigences parentales en termes d'autonomie et de prise en charge de son enfant. Ce n'est finalement pas si anodin que cela. 

 

Radio-trottoir ? 

Dans le cas de groupe WhatsApp qui rassemble exclusivement des parents, une des dérives les plus importantes sera que le groupe devienne une sorte de défouloir de certains parents à l'encontre des pratiques pédagogiques de l'enseignant.e, de l'organisation de l'école, du réfectoire, de la surveillance des cours de récréation... Et les autres parents ne reçoivent qu'un seul son de cloche puisque les personnes incriminées ne se trouvent pas sur le groupe. La communication école-familles est alors bien malmenée car, le temps que l'information parvienne aux oreilles de l'école, les dégâts seront importants. Il faudra reconstruire la confiance entre l'école et les familles, démêler le vrai du faux, s'expliquer... Alors qu'il aurait été plus simple de solliciter un rendez-vous avec l'enseignant.e ou la direction pour en discuter calmement. Encore faut-il bien entendu que l'école reste ouverte et disponible à̀ ce genre de demande des parents. 

 

L’école, c’est aussi le jardin secret de nos enfants et adolescents 

Cette fenêtre digitale qui s’est ouverte entre les parents et l’école positionne les enfants et les jeunes en permanence sous le regard de leurs parents. Dans son article consacré à la vie scolaire sous Smartschool, Soraya Ghali relève d'ailleurs que cette ingérence numérique provoque l'inquiétude de certains adultes : (...) certains parents, enseignants ou psychopédagogues s'inquiètent que ces "possibles outils de contrôle" entravent la construction adolescente qui consiste aussi à̀ expérimenter les limites à construire un jardin secret, à choisir ce qui est dit ou tu aux adultes.[2]

 

Droit à la déconnexion 

 

Les outils de communication numérique famille-école sont très souvent pointés du doigt parce qu’ils sont activables potentiellement à tout moment. Les enseignants se plaignent d’être sollicités à toute heure du jour et parfois de la nuit (week-end compris) par leurs élèves, les parents, leurs collègues... Les parents reçoivent aussi des notifications à tout bout de champ. La tendance est d’ailleurs à une demande de régulation par les utilisateurs de tous ces moyens de communication numérique à l’école. Un projet de décret visant à̀ encadrer la connexion et la déconnexion des enseignants pour limiter les risques psychosociaux est d'ailleurs en cours de négociation[3]

 

Quelques pistes 

 

Pour les groupes de messageries instantanées (sans enseignant), il sera nécessaire de mettre en place un cadre et un modérateur et de se mettre d'accord sur les objectifs poursuivis, le ton utilisé, ce qui est permis ou non... C'est sans doute là une nouvelle mission de l'association de parents : se pencher sur cette nouvelle forme de communication et la baliser pour que le respect de chacun soit garanti. 

 

Quand l’enseignant fait partie du groupe, il est indispensable de prendre le temps de la réflexion sur ces différents moyens de communication numérique et ce avec tous les acteurs de l'école (direction et personnel administratif, enseignants et éducateurs, élèves et parents). Que communiquer et avec quels outils ? Est-ce que tout ce qui se passe à l'école doit être transmis instantanément aux parents ? Avec quelle intention communique-t-on au niveau de la co-éducation et du partenariat école-familles ? Sera-ce purement informatif et pragmatique ? Ou dans l'intention de créer du lien, un climat de confiance avec les parents, en partageant avec eux les progrès, les expériences vécues en classe ? 

Le numérique ne peut pas faire de l'ombre à la communication directe parents-école. Il est donc essentiel que les écoles veillent à rester accessibles à̀ tous les parents. 

N'oublions pas que nos enfants s'inspirent de la manière dont nous nous comportons dans la vie réelle, mais aussi sur les réseaux sociaux. 

 

Conclusion

La communication numérique a fait son entrée dans les écoles et a induit des interactions plus directes avec les parents, mais il y a un certain nombre de revers à la médaille : l'instantanéité des échanges et le risque de mauvaise gestion des émotions des parents, le regard incessant des parents sur leurs enfants et ce qui se passe à l'école. Ce genre de messageries instantanées rapproche les parents de l'école, crée une relation directe avec l'enseignant et présente beaucoup d’avantages pratiques pour l’organisation concrète des activités et de la classe, mais exige aussi la mise en place d'un cadre et d'une charte d'utilisation.

La multiplication des canaux de communication risque aussi de perdre et de décourager les parents. Pour l’UFAPEC, il est indispensable de prendre le temps de la réflexion sur ces différents moyens de communication numérique et ce avec tous les acteurs de l'école (direction et personnel administratif, enseignants et éducateurs, élèves et parents). Jusqu'où communiquer et que communiquer ? Est-ce que tout ce qui se passe à l'école doit être transmis instantanément aux parents ? Avec quelle intention communique-t-on au niveau de la co-éducation et du partenariat école-familles ? Sera-ce purement informatif et pragmatique ? Ou dans l'intention de créer du lien, un climat de confiance avec les parents, en partageant avec eux les progrès, les expériences vécues en classe ? N’oublions pas non plus la richesse des rencontres en chair et en os. Car c'est bien dans un dialogue entre parents et enseignants que peuvent se construire les moyens d'assurer pour l'enfant une parcours de réussite scolaire et d'épanouissement vers une autonomie assumée.

 

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[1] WhatsApp est la messagerie la plus couramment utilisée, c’est pourquoi nous la citons nommément. Vu le format de ce texte, nous ne pouvons pas citer toutes les messageries existantes. Cela ne fait pas non plus l’objet de notre article. Par ailleurs, nous n’abordons pas ici la question du respect ou non du RGPD par les utilisateurs de ces groupes WhatsApp. 

[2] GHALI, S., « La vie scolaire sous Smartschool », in Le Vif, n°34, du24au30août2023,p.8. 

[3] BERNAERTS, M., « “Un mail le samedi ? Inadmissible » : les professeurs, submergés de mails, demandent à pouvoir déconnecter” », dans La libre Belgique du 23 juin 2023.